Monday, June 29, 2015

Mariage pour tous: une grande avancée pour les droits civiques

Compte tenu du retentissement justifié de la décision de la Cour suprême dans l'affaire du "mariage gay" (Obergefell v. Hodges, 576 U.S. ___, (2015)), et de l'avalanche de commentaires qu'elle a suscité, il est difficile, avant de pouvoir se livre à des analyses plus longues et plus approfondies, d'ajouter quoi que ce soit d'original.

La Cour, par une majorité de 5 contre 4 (les quatres juges progressistes et le juge Kennedy, qui a rédigé l'opinion majoritaire), a conclu que le XIVème amendement oblige les Etats fédérés à accepter le mariage entre personnes de même sexe et à reconnaître les unions de ce type conclues dans d'autres Etats. Elle a jugé que la prohibition du mariage entre personnes de même sexe est doublement inconstitutionnelle. D'une part, le mariage, y compris entre personnes de même sexe, est un droit fondamental que les Etats ne peuvent enfreindre sans méconnaître les garanties du "due process of law" contenues dans le XIVème amendement. D'autre part, la prohibition du mariage homosexuel méconnaît également le principe d'égale protection devant les lois reconnu par cet amendement.

Compte-tenu de l'importance de l'affaire, il y a eu autant d'opinion dissidentes que de juges dans la minorité. Le chief justice Roberts, tout en exprimant une totale désapprobation, a tenu à garder une certaine sobriété. Tout en reconnaissant que, sur le fond, il y avait de solides considérations justifiant la fin des restrictions au mariage, il a indiqué que la Cour, selon lui, sortait de son rôle de gardienne de la Constitution. Mais il a indiqué que "la Cour n'est pas une législature" et que le rôle des juges "est de dire le droit tel qu'il est, et non tel qu'il devrait être".

Le juge Scalia n'a pas partagé cette retenue et a formulé contre la majorité des accusations des propos violemment accusateurs. Dès l'introduction de son opinion dissidente, il indique vouloir attirer l'attention sur "la menace que fait peser la Cour sur la démocratie américaine". Le reste est à l'avenant. Il qualifie la décision de "putsch judiciaire" et met en cause l'hubris (=l'orgueil démesuré) de la majorité, qui aurait substitué son jugement à celui du peuple américain. Au passage, il prend personnellement à partie le juge Kennedy, connu pour son style emphatique, en indiquant que "l'opinion (de la majorité) est couchée dans un style aussi prétentieux que le contenu de la décision est égotiste".

Au delà du bruit et de la fureur des opinions dissidentes, on peut quand même noter un point essentiel, qu'on avait déjà évoqué dans un précédent post consacré à l'affaire. Sur le fond, quasiment aucun juge de la Cour ne s'est livré à une justification de la prohibition du mariage entre personnes de même sexe. Seul le juge Alito s'est livré à quelques remarques anthropologiques sur ce qui serait, selon lui, la fonction de l'institution matrimoniale.

On peut mesure le chemin parcouru depuis 1986, lorsque la Cour avait admis, dans l'affaire Bowers v. Hardwick, la Constitutionnalité des lois dites "anti-sodomie" (sic) encore en vigueur dans de nombreux Etats. A cette époque, le chief justice Burger avait tenu à rédiger une opinion concurrente d'un paragraphe dans laquelle il avait rappelé que la prohibition de l'homosexualité était "aussi vieille que la civilisation occidentale" et que la condamnation de ces pratiques est "fermement enracinée dans la morale judéo-chrétienne et dans ses standards éthiques". Il avait été jusqu'à rappeler que le juriste anglais Blackstone considérait qu'il s'agissait d'un "infâme crime contre la nature", dont la seule mention était une "disgrâce", et qui était même "indigne d'être nommé".

Quand on se remet ainsi en mémoire ce qu'était, il y a trente ans, l'état des lois et des moeurs sur la question, on comprend mieux en quoi la décision de la Cour, est avant tout une "grande avancée pour les droits civiques" (E. Chemerinski).

Tuesday, June 23, 2015

Spiderman et la Cour Suprême

La Cour Suprême des Etats-Unis s'occupe de choses sérieuses et de sujets graves. On le verra dans quelques jours, et peut-être dès demain, lorsqu'elle rendra ses décisions dans l'affaire du mariage entre personnes de même sexe et dans celle de l'Obamacare. Mais, parfois, la Cour s'accorde aussi des moments de détente.

Dans une affaire de propriété intellectuelle qui opposait la société de bandes-dessinées Marvel (à qui l'on doit tout un panthéon de super-héros, dont Spiderman, Hulk, Iron-Man, X-Men, Avengers, etc.) à un détenteur de brevets, la juge Kagan s'en est donné à coeur joie. L'affaire portait -ça ne s'invente pas!- sur le brevet d'une invention mise au point par un certain M. Kimble en 1990. L'inventeur, s'inspirant des aventures de Spider Man (l'homme araignée, comme on disait quand j'étais petit), avait mis au point et breveté un jouet permettant de projeter une simili-toile d'araignée, à la manière de Spiderman. A la suite d'un contentieux entre l'inventeur et Marvel, qui avait commercialisé un jouet similaire, les parties convinrent d'une transaction, par laquelle l'inventeur se voyait offrir 3% de royalties sur les ventes du jouet, aussi longtemps que celui-ci serait en vente.

Mais les avocats des parties avaient oublié un léger détail: dans un arrêt rendu quelques décennies  auparavant (l'arrêt Brulotte, rendu en 1964), la Cour suprême avait jugé qu'il n'est pas légalement possible de reconnaître à un inventeur le droit de continuer à percevoir des royalties sur un brevet expiré. Or, le brevet expirait en 2010.

La question posée à la Cour était de savoir si elle allait revenir sur la solution de l'arrêt Brulotte. La Cour répond à la question par la négative, dans un arrêt facétieux, truffé de référence aux super-héros. Dans l'opinion majoritaire, la juge Kagan note que "les brevets confèrent à leur détenteur des super-pouvoirs, mais pour une durée limitée" (un peu comme la potion magique, en somme). Après avoir rappelé le contenu de l'arrêt, elle se livre à une discussion juridique sur les conditions requises pour que la Cour revienne sur une solution antérieur et déroge au principe de stabilité juridique (stare decisis). Elle distingue différentes formes de stare decisis, et rappelle le principe selon lequel, lorsque la cour tranche une question qui ne relève pas du droit constitutionnel, c'est en principe au législateur de décider s'il veut faire évoluer le droit, plutôt qu'à la Cour de modifier sa jurisprudence. Elle qualifie ce principe de "stare decisis investie de superpouvoirs" et note que, dans ce cas, la justification pour le revirement de jurisprudence doit être "superspéciale".

Mais la cerise sur le gâteau est la conclusion de l'arrêt, où la juge cite Stan Lee (le scénariste créateur de Spiderman) dans le texte. Pour expliquer le principe de stabilité juridique, qui impose à la cour de ne pas faire évoluer sa jurisprudence au gré de sa seule fantaisie, la juge Kagan indique que "Dans ce monde, avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités". La citation exacte, que tous les fans de l'homme en collants bleus et rouges auront reconnue, est tirée de l'ouvrage suivant : S. Lee and S. Ditko, Amazing Fantasy No. 15: “SpiderMan,” p. 13 (1962). SpiderMan fait ainsi son entrée dans la littérature juridique.

Comme on l'a rappelé, toutefois, ce moment de détente devrait être bref, car les affaires du mariage gay et de l'Obamacare attendent la Cour, et l'ambiance sera nettement moins détendue. Mais c'est qu'avec de grands pouvoirs, etc., etc.

Friday, May 22, 2015

Les déboires juridiques de la famille Bergman Rossellini

Le festival de Cannes, qui touche à sa fin, a choisi cette année de rendre hommage à Ingrid Bergman, dont le sourire illumine l'affiche de la 68ème édition. Les juristes ne peuvent pas être en reste!

Les déboires du couple Bergman-Rossellini sont bien connus des cinéphiles français, notamment en raison du culte voué au cinéaste italien par les critiques de la Nouvelle Vague, comme François Truffaut. Mais on sait peut être moins qu'ils ont eu des retombées juridiques aux Etats-Unis.

Ingrid Bergman avait épousé en 1937, à l'âge de 21 ans, un certain Petter Lindstrom, dentiste suédois. En 1939, Ingrid Bergman s'installe définitivement à Hollywood. Le couple Bergman est montré en exemple pour sa stabilité, qui tranche avec les moeurs cinématographiques de l'époque. Ingrid Bergman est adulée par la presse et par le public. En réalité, derrière les apparences, le mariage bat depuis longtemps de l'aile.

En 1949, elle rencontre le cinéaste Roberto Rossellini, alors au sommet de sa gloire. Le cinéaste est un infatiguable coureur de jupons, qui partage sa vie avec l'actrice Ana Magnani, d'une jalousie légendaire. Elle a raison de se méfier, car Rossellini tombe immédiatement amoureux d'Ingrid Bergman. Le coup de foudre est réciproque. Fin 1949-début 1950, le scandale éclate. L'actrice attend un enfant de Rossellini.

La presse américaine se retourne contre l'actrice, autrefois adulée comme une sainte -et qui a incarné Jeanne d'Arc. Quelques politiciens en mal de publicité s'emparent de l'affaire, comme le raconte le biographe Donald Spoto dans son livre Notorious (dont sont tirées les informations qui suivent).

Le 14 mars 1950, le Sénateur Edwin Johnson (Colorado)  prend la parole au Sénat pour dénoncer vigoureusement les moeurs dépravées de l'actrice et du cinéaste. Il conclut son intervention en indiquant: "Puisque ces deux personnages étrangers se sont rendus coupables de turpitude morale, il ne peuvent plus pénétrer sur le sol américain, en application de nos lois sur l'immigration." (Notorious, p.295).

En effet, depuis 1907, les lois américaines sur l'immigration interdisent l'entrée du territoire aux personnes qui se sont rendues coupables d'une infraction pénale révélant une "turpitude morale". Entre temps, les services de l'immigration ont été saisis de la question. Le 4 février 1950, un article du Miami News relate que le service américain de l'immigration se penche sur le sort de l'actrice (qui se trouve alors en Italie). Un représentant de cette administration déclare à la presse: "Si cette personne admet avoir commis un acte constituant un crime impliquant une turpitude morale, elle perdra son droit de réadmission sur le territoire".

L'affaire n'ira pas beaucoup plus loin. Juridiquement, l'analyse est contestable, car l'actrice n'a jamais été condamnée pénalement. Elle s'abstiendra cependant pendant plusieurs années de revenir aux Etats-Unis (ou réside encore sa fille, Pia, qui devient l'otage des relations désormais orageuses avec son futur ex-mari).

L'affaire connaîtra quelques développements juridiques rocambolesques, mais cette fois ci du côté du droit international privé. Bergman a recours au procédé du "divorce mexicain", qui consiste à divorcer par procuration au Mexique, pays qui accorde le divorce de façon très libérale, y compris à des non-résidents. Le couple Rossellini-Bergman se marie ensuite... au Mexique, le 24 mai 1950, là encore par procuration (cf. Notorious, déjà cité, p. 297 et suivantes). L'actrice déclare, avec humour, "Nous sommes désolés de ne pas avoir pu être présents à notre mariage" (id.).

Les déboires juridiques américains du couple sont-ils terminés? Pas tout à fait, car en 1952, Roberto Rossellini a (indirectement) affaire à la Cour suprême des Etats-Unis, mais à un tout autre sujet. En effet, en février 1951, le bureau de la censure de l'Etat de New-York retire le visa d'exploitation à son film "Le Miracle", jugé "sacrilège". Le film raconte l'histoire d'une jeune fille (jouée par Ana Magnani, car le film a été achevé en 1948) qui, tombée enceinte dans des circonstances nébuleuses, est persuadée que le père de son enfant est Saint-Joseph. Dans l'arrêt Burstyn v. Wilson, 343 U.S. 495 (1952), la Cour suprême juge qu'un Etat ne peut, sans méconnaître le Ier et le XIVème amendement -NB: dont la combinaison garantit la liberté d'expression contre les atteintes des Etats fédérés- interdire un film en raison de son contenu "sacrilège".

PS 1: Dans une précédente version du billet, j'avais laissé entendre que Rossellini avait également obtenu un divorce mexicain, ce qui n'était pas le cas. Il avait épousé en 1936 la styliste et costumière de cinéma Marcella de Marchis, mais avait obtenu (je n'ai pas encore élucidé comment) l'annulation de cette union.
PS 2: Le remariage mexicain connut un ultime rebondissement juridique, mais cette fois-ci en Italie. En 1961, Rossellini obtint l'annulation de son mariage avec Ingrid Bergman devant une juridiction italienne, en arguant de la nullité du divorce mexicain qu'elle avait préalablement obtenu (Rosselini v. Bergman, App. Roma, 17 giugno 1961, cité dans A. Coaccioli, Manuale di diritto internazionale privato e processuale, volume 1, p. 141)

Thursday, May 14, 2015

Quand élection des juges rime avec grabuge

Trente-neuf Etats des Etats-Unis pratiquent, à un degré ou à un autre, l'élection des juges. Dans l'arrêt Williams-Yullee v. Florida bar, rendu le 29 avril dernier, la Cour suprême vient d'indiquer que la nature particulière de cette élection justifiait des règles particulières en matière de financement des campagnes électorales. Cet arrêt juge que le barreau de Floride peut, sans porter une atteinte excessive à la liberté d'expression, interdire aux candidats aux élections judiciaires de solliciter directement de l'argent auprès des électeurs.

Cette arrêt a suscité beaucoup de réactions.


Il est à contre-courant de la tendance jurisprudentielle des dernières années, qui avait été caractérisée par une dérégulation tous azimuts du financement des campagnes électorales: cette dérégulation est la conséquence de l'arrêt Citizen United v. FEC,  558 U.S. 310 (2010), dans lequel la Cour avait considéré que le droit de participer au financement des élections s'apparente, sous certaines conditions, à l'exercice de la liberté d'expression (ce qui est parfois résumé par la formule speech=money). 


Il a été également remarqué dans la mesure où le chief justice Roberts a joint sa voix à celle des libéraux plutôt qu'à celle des conservateurs, ce qui lui arrive parfois (comme dans l'affaire de l'Obamacare), mais qui suffisamment rare pour que cela attire l'attention.


Le raisonnement de l'opinion majoritaire, rédigée par le juge Roberts, ne remet pas en cause le principe selon lequel solliciter de l'argent pour financer une campagne électorale est une forme d'expression (speech) protégée par le Premier amendement. Mais elle indique que l'Etat de Floride a justifié d'une impérieuse nécessité publique (compeling interest) pour apporter des restrictions à cette liberté, et que ces restrictions sont strictement nécessaires à l'objectif recherché, qui est de prévenir des suspicions sur l'impartialité et l'intégrité des juges qui auraient été élus en sollicitant personnellement des contributions financières.


Il est extrêmement rare qu'une restriction à la liberté d'expression soumise à la forme de contrôle maximal ("strict scrutiny") soit jugée constitutionnelle. Ce qui a fait dire aux détracteurs de la décision que la Cour s'est embarquée sur une pente glissante, qu'elle dilue et dénature la notion de contrôle maximal, et menace à terme la protection de la liberté d'expression. Mais on peut surtout voir dans la décision une reconnaissance de la spécificité des élections judiciaires par rapport aux élections politiques classiques, et des risques qu'une dérégulation de ces élections fait peser sur l'indépendance et l'impartialité desdits juges.


On est encore très loin d'une remise en cause de la jurisprudence Citizen united, mais il est rassurant que même un conservateur comme le chief justice reconnaisse qu'il y a tout de même des limites à ne pas franchir en matière de financement des campagnes.


PS : on précisera que tradition de l'élection des juges concerne exclusivement les Etats, car dans la justice fédérale, la Constitution prévoit que les juges sont nommés par le Président avec l'accord du Sénat. Elle recouvre des réalités diverses, car les modalités d'élections sont très différentes d'un Etat à un autre. 

Tuesday, April 28, 2015

Le moment et la manière

Ce qui frappe dans le compte-rendu des débats qui se sont tenus hier devant la Cour suprême au sujet de l'interdiction du mariage entre personnes de même sexe c'est, qu'au fond, le principe selon lequel cette interdiction est vouée à disparaître tôt ou tard ne semble plus vraiment en débat. La question est désormais de savoir quand et par qui l'arrêt de mort doit être prononcé. Deux thèses s'affrontent. Les requérants soutiennent que la question est mûre pour une résolution par la voie judiciaire, et que la Cour doit déclarer immédiatement que cette différence de traitement est contraire au XIVème amendement de la Constitution (dans la mesure où la société américaine est globalement prête pour cette évolution et que le caractère discriminatoire de ces lois relève désormais de l'évidence). Les opposants à cette thèse font valoir qu'il ne faut pas précipiter les choses, et qu'il est préférable de laisser les électeurs ou les parlements de chaque Etat s'apercevoir, d'eux mêmes, que les temps ont changé. C'est la thèse du "processus politique".

Les débats ont montré l'embarras des juges, qui redoutent, d'un côté, de passer à la postérité comme ceux qui se seront "lavés les mains"de la question, et auront laissé passer le vent de l'histoire et, de l'autre, d'être accusés, de forfaiture et de mépris pour les électeurs et l'autonomie des Etats. Le juge Kennedy, connu pour avoir rédigé la plupart des opinions qui ont censuré les discriminations à l'égard des homosexuels, a ainsi déclaré  "Cette définition  (NB : l'union entre un homme et une femme) nous a accompagnés pendant des millénaires. Et c’est très difficile pour la Cour de dire “Bon, d’accord, mais nous en avons une meilleure”." Rebondissant sur l'idée qu'une tradition séculaire ne peut pas être, du jour au lendemain, qualifiée de discrimination pure et simple, le juge Scalia a posé à l'avocat des requérants la question suivante : " Que faites vous de la circonstance que, autant que je sache, jusqu’à la fin du XXeme siècle, aucune nation ou culture n’a reconnu un mariage entre deux personnes de même sexe? Donc, nous pouvons en inférer que ces nations et ses cultures estimaient toutes qu’il y avait un motif rationnel, une raison pratique pour définir le mariage de cette façon, ou est-ce que vous soutenez qu’elles avaient toutes, et de facon indépendante, un jugement fondé sur des stéréotypes irrationnels et des prejugés?". 

Même le juge libéral Breyer a estimé que la question appelait une réponse claire de la part de l'avocate des requérants, et a repris le thème du millénaire et de la longue durée : "La thèse opposée à la vôtre a eu force de loi pendant des milliers d'années", et "tout d'un coup, vous voulez que neuf personnes non élues imposent aux Etats qui n'en veulent pas une définition du mariage" qui inclue les personnes de même sexe. "Pourquoi est-ce que ces Etats ne peuvent pas attendre et voir ce qui se passe dans les autres Etats avant de décider si cette évolution affaiblit l'institution du mariage?".


La réponse n'est pas venue de l'avocate des plaignants, qui n'a pas été très à son aise tout au long des débats -on serait intimidé à moins-, mais de l'avocat général Verilli, qui intervenait au nom de l'Etat fédéral (qui soutient également que ces lois sont inconstitutionnelles). Il a tout d'abord insisté sur le fait que si la Cour s'en remettait au "processus politique" pour mettre fin aux discriminations, ce choix ne serait pas neutre. Si vous prenez ce parti, a-t-il lancé, "vous direz en réalité que le statut de second zone des couples gays et lesbiens est compatible avec le principe d'égalité devant la loi. Cela ne serait pas une attitude attentiste ("wait-and-see"), mais une "validation" (de ces discriminations). Autrement dit, il a clairement signifié à la Cour que "ne pas choisir, c'est déjà choisir". Il a ensuite souligné les conséquences de ce choix : si vous pensez que le problème va se résoudre avec le temps, ce qui va se passer, c'est que "le pays va se diviser de la même manière qu'il l'a fait sur la discrimination raciale" (NB : qui resta légale dans le Sud pendant de nombreuses décennies, alors qu'en droit, elle avait disparu du reste des Etats-Unis). "Vous aurez beaucoup d'Etats, une majorité sans doute, dans les lesquels les homosexuels pourront vivre dans la dignité et l'égalité, mais vous aurez une minorité d'Etats dans lesquels ils seront relégués dans un statut dégradant, de seconde zone. Et de conclure :"Je ne vois pas pourquoi nous voudrions que l'histoire se répète de cette façon". 

Si les lois sont déclarées inconstitutionnelles, Donald Verilli aura bien mérité une statue.



Monday, April 27, 2015

Mariage pour tous, la lutte finale?

A moins d'être sourd, aveugle et de ne pas lire le journal (sans parler de ce blog), il est impossible de ne pas savoir que la Cour suprême des Etats-Unis entendra demain les plaidoiries dans l'ensemble d'affaires portant sur le mariage entre personnes de même sexe. Sur un plan général, la question est de savoir si la Cour va mettre un point final à une longue histoire de discrimination contre les homosexuels. Et, au fond, la réponse à cette question est la seule chose qui comptera vraiment lorsque la Cour rendra sa décision (en principe fin juin ou début juillet) : peu importe le flacon, etc., etc.

Mais comme il faut bien que les juristes ramènent leur "science" et justifient l'existence de leur profession, on dira tout même un mot de la formulation juridique des questions posées et des réponses qui pourraient être apportées. Deux questions seront débattues demain (étant précisé que la Cour a la mainmise sur les questions qu'elle choisit d'examiner, et qu'elle a contribué à les formuler de la sorte). La première est de savoir, à titre principal, si l'interdiction du mariage entre personnes de même sexe est contraire au XIVème amendement de la Constitution. Cet amendement, adopté à l'issue de la guerre de sécession, prévoit notamment qu'aucun Etat fédéré ne peut priver une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans une procédure légale ("due process of law", terme difficile à traduire littéralement, car il comprend un ensemble de garanties), ou leur refuser l'égale protection des lois ("equal protection of the law").

Ce principe d'égale protection est l'équivalent américain du principe d'égalité. Depuis la seconde moitié du XXème siècle, la Cour a tenté de dégager un cadre théorique précis pour  l'application de ce principe. Elle applique la théorie des degrés de contrôle, qui consiste à distinguer trois types de contrôle. Dans la plupart des cas, la Cour n'applique qu'un contrôle minimal, et se contente de rechercher si le législateur avait un motif raisonnable ou légitime (n'importe lequel, même s'il n'a pas été envisagé par législateur) pour traiter différemment A et B. Lorsque la loi utilise des catégories dites "suspectes", et en tout premier lieu lorsqu'elle utilise des catégories dites "raciales" -terme d'usage courant aux Etats-Unis pour désigner les catégories ethniques-, elle est au contraire soumise à un contrôle strict ou maximal, et la différence de traitement ne peut être justifiée que par un motif impérieux d'intérêt public et strictement proportionnée à ce motif (ce qui n'est que très rarement le cas, sauf dans quelques affaires d'affirmation action). L'idée est que toute différence de traitement fondée sur la "race" est a priori suspecte et dangereuse, et ne peut survivre qu'avec de très fortes justifications. Entre les deux, il existe un contrôle intermédiaire, qui s'applique notamment aux différences de traitement entre hommes et femmes : la présomption d'inconstitutionnalité qui s'attache à ces discrimination est forte, mais pas aussi forte que pour les discriminations raciales.

Vous allez donc me dire (car il y a en y a peut-être qui suivent...), laquelle de ces trois grilles d'analyse la Cour applique-t-elle aux différences de traitement fondées sur l'orientation sexuelle? Eh bien, la réponse... n'est pas très claire. Depuis quelques dizaines d'années, la Cour tourne autour du pot. Dans l'affaire US v. Windsor, en 2013, la Cour a censuré comme inconstitutionnelle la loi fédérale refusant de conféder des effets à des unions entre personnes de même sexe légalement conclues dans des Etats où elles sont autorisées. Mais elle l'a fait sur la base d'un raisonnement qui mélange deux types de considérations : les unes, tirées de la nécessité de respecter la volonté des Etats fédérés (considération qui, en l'espèce, plaiderait plutôt contre la censure des lois en litige, puisqu'une partie des Etats refusent les unions entre personne de même sexe), les autres, tirées du principe d'égalité (considérations qui, au contraire, plaideraient pour admettre l'inconstitutionnalité de la loi). Et elle s'est bien gardée de ranger la différence de traitement fondée sur l'orientation sexuelle dans une des trois catégories mentionnées.

Logiquement, la Cour devrait enfin sortir de l'ambiguïté sur le sujet. La solution la plus simple consisterait sans doute à assimiler les différences de traitement fondées sur l'orientation sexuelle à celles fondées sur le genre (voire à reconnaître que, compte tenu de l'histoire de discrimination à l'encontre des homosexuels, l'usage de la distinction fondée sur l'orientation sexuelle est a priori suspecte, au même titre que l'utilisation d'un critère racial). Mais il paraît difficile (et pas souhaitable) de rester dans le flou conceptuel entretenu depuis plus de vingt ans sur la question alors, que par, ailleurs, la Cour a construit sur le sujet un édifice intellectuel fort louable.

Des mauvaises langues et des chicaneurs feront remarquer que sous d'autres cieux, dans galaxies lointaines, des juridictions arrivent très bien à appliquer le principe d'égalité sans véritable cadre  théorique, et en décrétant, au fil de l'eau, que la situation est différente parce qu'elle n'est pas pareille, ou qu'il existe un (puissant) motif d'intérêt général pour traiter différemment des situations identiques. Mais on a de la peine à croire, tant le propos semble déraisonnable et exagéré, qu'il s'agit d'autre chose que d'un racontar de voyageur désireux, comme Marco Polo, d'attirer l'attention.

Monday, April 20, 2015

L'autre Kennedy

Le 28 avril prochain, la Cour suprême entendra les plaidoiries dans les affaires relatives au mariage entre personnes de même sexe. Comme c'est désormais classique, le juge dont les propos seront scrutés de plus près est Anthony Kennedy. En effet, il joue  le rôle habituel de swing judge, c'est à dire celui dont le vote peut faire basculer la majorité de la Cour d'un côté ou de l'autre. Dans sa composition moderne -cela n'a pas toujours été le cas-, la Cour suprême est composée de 9 juges. Les juges sont nommés à vie, et leurs fonctions ne cessent que par la mort ou la démission (ou l'impeachment). Les préférences doctrinales et idéologiques des juges peuvent évoluer avec le temps, mais dans la composition actuelle de la Cour, elle sont assez stables. Dans les affaires portant sur des grands enjeux de société, le bloc "libéral" (au sens américain du terme, c'est à dire progressiste) comprend les juges Kagan, Sotomayor, Breyer et Ginsburg. Les juges Scalia, Alito, et Thomas forment un bloc conservateur stable, auquel se joint le plus souvent le chief justice Roberts (même s'il a fait spectaculairement défection dans l'affaire de l'Obamacare).

C'est donc Anthony Kennedy qui joue le plus souvent le rôle de pivot. Contrairement à l'ambiguîté volontairement entretenue par le titre de ce billet (on nous pardonnera ce procédé visant à susciter l'attention!), il n'est pas apparenté à la dynastie homonyme. Mais il n'en joue pas moins un rôle important dans la vie institutionnelle américaine.

Il a été nommé à la Cour suprême en 1988, c'est à dire par Ronald Reagan. Originaire de Sacramento, où il est toujours membre du corps enseignant de l'Université du Pacifique (Mc George), il a progressivement évolué sur l'échiquier idéologique de la Cour. Si, au départ, il joignait généralement ses voies à celles des conservateurs, et continue de le faire sur certains sujets, il a progressivemen pris des positions beaucoup plus libérales sur certains grands sujets de société. En 1992, alors que beaucoup prédisaient la fin de la jurisprudence Roe v. Wade (1973), par laquelle la Cour avait reconnu la valeur constitutionnelle du droit  à l'avortement, il a fait partie des juges pronant une position médiane. Après les démissions successives de Sandra Day O'Connor (qui auparavant, jouait souvent le rôle de pivot) et de David Souter (également nommé par un républicain, mais qui a rapidement évolué vers les progressistes), il est devenu celui qui, dans les affaires où le clivage idéologique joue à plein, fait et défait les majorités.

Dans les affaires portant sur l'appréhension juridique de l'homosexualité, il a le plus souvent penché du côté progressiste, et contribué à faire déclarer inconstitutionnelles les lois organisant la discrimination contre les homosexuels. Sur la question de la peine de mort, il a systématiquement pris le parti de restreindre champ de la peine capitale : il s'est prononcé contre l'exécution des personnes mineures ou atteintes d'un handicap mental au moment de la commission des faits (Atkins v. Virginia (2002) et Roper v. Simmons (2005)), ou des auteurs de crimes n'ayant pas entrainé la mort de la victime -Kennedy v. Louisiana (2008). Il a aussi voté en faveur de l'application des garanties de l'habeas corpus  aux "ennemis combattants" dans l'affaire Boumedienne v. Bush (2008). En revanche, il continue de joindre ses voix au bloc conservateur sur certains sujets sensibles, comme le financement de la vie politique : dans le calamiteux arrêt Citizen united (qui prive d'effet une grande partie de la législation sur le financement des campagnes électorales), en 2010, il a rédigé l'opinion majoritaire, qui assimile le fait de dépenser de l'argent au profit de la défense de certaines thèses à l'expression d'une opinion,  protégée par le Premier amendement.

Son rôle de pivot ne lui vaut pas que des amis : il a parfois été violemment attaqué, notamment par son collègue Scalia, qui a mis en cause, dans ses opinions dissidentes, son style jugé exagérément emphatique, ou ses emprunts au droit comparé. En effet, le juge Kennedy, qui enseigne tous les ans un séminaire de droit comparé en Autriche, est l'un de ceux qui a contribué à faire référence, dans les arrêts de la Cour, à la jurisprudence de cours étrangères, comme la Cour européenne des droits de l'homme.

La cohérence de ses votes dans les affaire relatives aux droits des homosexuels a fait dire à certains commentateurs que son vote était quasiment acquis pour déclarer inconstitutionnelles les lois réservant le mariage à un homme et une femme. Le droit n'étant ni une science exacte, et la Cour n'étant pas une annexe du PMU, on se gardera pour notre part de tout pronostic. Mais, comme à peu près tout le monde le 28 avril, on sera particulièrement attentifs aux propos du juge Kennedy lors de l'audience de la Cour.

Monday, April 6, 2015

Le "blues" des facultés de droit


Si l’économie américaine se remet progressivement des conséquences de la crise, avec un taux de chômage désormais revenu autour de 5 %, tous les secteurs ne profitent pas également de la reprise. Le niveau des inscriptions dans les facultés de droit, en particulier, continue de décliner, comme vient de noter un récent article publié dans le journal de l’American Bar Association. Pour la quatrième année consécutive depuis 2010, le nombre des étudiants préparant un diplôme de Jurisdoctor (JD, le diplôme de base pour l’accès aux professions juridiques) a baissé. Les 204 law schools accréditées par l’American Bar Association comptent désormais 18,5 % d’étudiants de moins qu’en 2010 (pic historique des effectifs), et le nombre des étudiants est revenu à son niveau de 1987 : elles comptent 119 775 étudiants, contre 147 525 en 2010. Et la tendance devrait se poursuivre, puisque le niveau des inscriptions en première année continue de faiblir (37 924 en 2014, contre 52 488 en 2010), ainsi que celui des candidats au LSAT, le test d’accès aux études de droit (un test standardisé qui permet d’obtenir un score que les candidats joignent à leur dossier de candidature dans les différentes universités).

Comment expliquer ce phénomène ? Aux Etats-Unis, le coût des études de droits est particulièrement élevé : de l’ordre de 40 000 à 50 000 dollars par an  pour les seuls droits d’inscription (pour une scolarité qui dure trois ans). Et ce coût s’ajoute souvent aux dettes contractées lors des études post-bac, car on ne peut accéder aux études de droit qu’après avoir obtenu un premier diplôme d’enseignement supérieur (un bachelor’s degree, l'équivalent de la licence ou du master I). Pendant longtemps, ce coût a paru justifié par le retour sur investissement, car les rémunérations dans les professions juridiques sont élevées et que le niveau de l’emploi dans ces professions l’était également (en 2012, la rémunération médiane à l’embauche pour un avocat débutant dans le secteur privé était de l’ordre de 100 000 dollars par an). Mais la crise est passée par là.

Pour l’instant, la baisse des effectifs dans les JD est en partie compensée par l’augmentation du recrutement des étudiants dans d’autres programmes, et notamment les programmes de LLM (des diplômes en 1 an principalement à destination des étudiants étrangers, mais aussi des professionnels désirant une année de spécialisation) : sur 15 ans, le nombre d’étudiants suivant ces programmes a augmenté de 79 %. Mais là encore, le marché n’est pas extensible à l’infini, et finira par trouver ses limites, car le coût de ces formations est également très élevé (de l’ordre de 40 000 dollars à l’année).

Face à cette crise, les propositions fusent dans tous les sens. L’idée de réduire la scolarité à deux ans a attiré beaucoup d’attention lorsque le président Obama l’a reprise à son compte dans un discours en 2013. Mais pour le moment, elle n’a pas fait beaucoup d’émules. D’autres initiatives ont pour but d’améliorer la transparence sur le sort des diplômés à la sortie des écoles. Dans le passé, certaines écoles ont été accusées de gonfler leurs statistiques d’embauche des diplômés, notamment pour améliorer leur place dans le très influent classement des écoles, publié tous les ans dans US News. Une organisation spécifique, Law school transparency,  est désormais entièrement dédiée à l’observation des facultés de droit et à la publication de statistiques indépendantes sur les coûts et les débouchés (taux de réussite à l’examen d’avocat, taux d’embauche, etc.).


Les facultés de droit, quant à elle, font de leur mieux pour équilibrer leur budget et trouver de nouvelles ressources. Signe des temps, elles sont de plus en plus nombreuse à facturer l’accueil (autrefois gratuit) des visiting scholars, ces universitaires étrangers qui viennent étudier quelques mois aux Etats-Unis.

Tuesday, March 31, 2015

Régularisation en suspens : plus de 3 millions d'étrangers concernés

Dans la dernière livraison du magazine New Yorker, le journaliste Jeffrey Toobin, un des meilleurs spécialistes de la Cour suprême, fait le décompte des grands projets du président Obama qui sont actuellement contestés devant les tribunaux, avec plus ou moins de succès. On y retrouve, sans surprise : la loi sur l'assurance santé (l'Obamacare), le programme DACA/DAPA de régularisation des étrangers sans papiers (qui a été suspendu par un  juge fédéral du Texas en début d'année, et dont le sursis à exécution sera prochaiment soumis à l'examen de la Cour d'appel fédérale du 5ème circuit), la décision de l'autorité des télécommunications (FCC) sur la neutralité du net, et à peu près toutes les décisions prises par l'agence de l'environnement (EPA) en matière de pollution de l'air et de changement climatique.

Même si la judiciarisation de la vie politique et constitutionnelle ne date pas d'hier, et constitue une constante de la vie politique américaine, Jeffrey Toobin estime, reprenant en cela les propos du président lui-même dans une interview donnée l'année dernière, que la paralysie du pouvoir législatif a accentué la situation depuis quelques années. En effet, face à l'impossibilité de faire adopter de nouvelles loi par le Congrès, le président serait contraint de passer lui même à l'action, ce qui pose des difficultés de compétence (NB: sans rentrer dans les détails, le pouvoir réglementaire du président des USA est beaucoup plus limité que celui de son homologue français sous la Vème République)

En 1986, par exemple, le Congrès avait réussi à adopter le principe d'une large régularisation, alors que toute tentative de réforme de l'immigration est bloquée par le Congrès actuel. Toute tentative en ce sens a échoué au cours des dernières années, malgré le recours à des procédés destinés à recueillir un accord bipartisan (comme l'élaboration de projets par un groupe mixte Républicains-Démocrates). Dans ce domaine, le président a décidé de prendre les choses en main, et d'utiliser son pouvoir d'appréciation dans la mise en oeuvre des lois ("prosecutorial discretion") afin de concocter une simili-régularisation d'une partie des 11 millions d'étrangers en situation irrégulière, dont personne ne peut sérieusement penser qu'ils seront tous éloignés des Etats-Unis. Aux Etats-Unis, la régularisation est considérée comme du domaine du législateur (à la différence de ce qui se passe en France). Pour contourner la difficulté, le principe consiste, pour l'Exécutif, à suspendre toute mesure d'éloignement contre certaines catégories d'étrangers et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail (d'une durée de deux ans). Mais ce procédé est critiqué par les Républicains, qui estiment que le président va bien au delà de l'exercice d'un simple pouvoir d'appréciation, et s'arroge un pouvoir normatif qui ne lui appartient pas.

La première vague de régularisations a eu lieu dans le cadre du programme DACA, destiné aux jeunes majeurs étrangers scolarisés aux USA, et a permis de régulariser de l'ordre de 700 000 personnes.  Mais la deuxième vague de régularisations, qui consistait à étendre légèrement le programme DACA (en supprimant la limite d'âge de 30 ans pour déposer une demande) et, surtout, à régulariser les parents étrangers d'enfant citoyens américains ou titulaires du statut de résident (le programme DAPA), vient de faire l'objet d'une suspension par un juge fédéral. Saisi par un groupe d'Etats gouvernés par les Républicains (notamment le Texas et l'Arizona), le juge a estimé que la mise en oeuvre du plan de régularisation aurait des conséquences difficilement réparable et qu'il existait un doute sur sa légalité -pour une raison de procédure, tenant à l'absence d'enquête publique. Un autre groupe d'Etats, menés par l'Etat de Washington, et comprenant notamment la Californie, est intervenu est en défense de la mesure par voie d'amicus brief. Ils ont fait valoir que non seulement la régularisation ne leur causerait aucun préjudice, mais qu'ils en attendaient de nombreux bénéfices économiques et sociaux. Le nombre de bénéficiaires potentiels du DAPA est estimé à 3,7 millions de personnes (d'après le Migration policy institute). Ce sont donc autant de personnes dont l'avenir va se jouer dans les procédures en cours.

Monday, March 23, 2015

Le triangle des Bermudes

Jamais à court d’imagination pour mettre des bâtons dans les roues de l’administration Obama, quarante-sept sénateurs républicains ont adressé, il y a quelques jours, un courrier aux dirigeants iraniens pour « porter à leur attention » les pouvoirs du Sénat américain en matière de conclusion de traités internationaux. Le courrier indique notamment que tout traité conclu dans le cadre de la négociation nucléaire devrait recevoir l’aval d’une majorité des deux tiers du Sénat américain préalablement à sa ratification par le Président. Dans le cas contraire, il s’agirait d’un simple « executive agreement », sur lequel le prochain président des Etats-Unis serait libre de revenir à sa guise.  A la suite du courrier, chacun y est allé de sa petite leçon de droit constitutionnel et international, sous l’œil goguenard des dirigeants iraniens.

Sans remonter au traité de Versailles et à la SDN, on peut rappeler que le Sénat américain a souvent fait figure, au cours des dernières décennies, de « triangle des Bermudes » pour les traités internationaux : tous n’en sont pas ressortis.  Parmi quelques exemples  particulièrement marquants  de cette réticence :
                -la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS, ou Convention de Montego Bay), ouverte à la signature en 1982, et qui compte aujourd’hui  plus de 160 Etats parties, n’a jamais réussi à franchir la barrière du Sénat américain. A l’origine, les réticences étaient communes à l’Exécutif et au Congrès, et portaient sur le régime des fonds marins. Mais cette objection a perdu sa portée depuis la révision de la convention sur ce point, en 1994. Malgré le soutien à la ratification exprimé par les présidents Bush et Obama, une nouvelle tentative pour obtenir l’accord du Sénat a échoué en 2012.
                -la convention internationale sur les droits de l’enfant  de 1990 : elle a été ratifiée par quasiment tous les Etats des Nations-Unies, sauf les Etats-Unis  et la Somalie (la ratification étant, sauf erreur, en cours au Sud Soudan). Le président Obama a décrit cette non-ratification comme une source d’embarras, mais l’opposition du Sénat étant connue, le texte n’y a même pas été présenté.
                -le pacte international sur les droits civiques et politiques de 1966 : il a bien réussi à franchir le cap du Sénat, et a pu être ratifié en 1992, mais la ratification a été assortie de 14 réserves et déclarations interprétatives (d’une validité douteuse au regard du droit international  coutumier des traités), si bien que le statut d’Etat-partie des Etats-Unis est largement symbolique.


Et l’inventaire est loin d’être exhaustif.

Friday, March 20, 2015

Au théâtre ce soir

Pouvez-vous imaginer qu'une pièce de théâtre consacrée à Jean-Louis Debré fasse ses débuts sur les grands boulevards? C'est à peu près ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis, où une pièce consacrée à Antonin "Nino" Scalia, un des neufs juges de la Cour suprême, fait ses débuts ces jours-ci à Broadway. La pièce s'intitule "The originalist", du nom de la théorie de l'interprétation constitutionnelle que le juge conservateur Scalia se flatte d'incarner depuis de nombreuses années. Pour aller très (très) vite, cette théorie, dans sa variante développée par A. Scalia, repose sur l'idée que la Constitution des Etats-Unis doit être interprétée conformément au sens commun des mots à l'époque de son adoption c'est à dire, notamment, en refusant toute idée d'interprétation "vivante" ou "constructive" de la Constitution destinée à l'adapter au monde contemporain.

Ce n'est pas la première fois, loin de là, que la Cour suprême est mise en scène dans le théatre, le cinéma ou la culture populaire américaine. On peut retrouver dans Wikipedia un inventaire assez complet de ces apparitions. On se souviendra, notamment, du film Amistad de Steven Spielberg, consacré à une affaire jugée par la Cour en 1841 et portant sur la traite des esclaves, ou du film Larry Flint, consacré à la vie et aux tribulations judiciaires d'un éditeur de magazines à destination d'un public essentiellement masculin. Dans le domaine de la pure fiction, on évoquera le film l'Affaire Pélican tiré du roman homonyme de John Grisham (NB: film qui m'a donné l'idée de mon premier sujet de cas pratique). Parmi les oeuvres à ma connaissance non diffusées en France, figurent entre autres choses un téléfilm consacré à l'affaire Gideon v. Wrainwright (1963) qui consacra le droit, pour les personnes à faibles revenus,  à l'assistance gratuite d'un avocat en manière criminelle : Henri Fonda y incarne le prisonnier qui fut à l'origine de cette affaire. De manière plus diluée et subliminale, on pourra aussi rappeler que chaque qu'un policier déclare, dans une série américaine, "Vous avez le droit de garder le silence... etc.", il met en oeuvre un principe dégagé par la Cour suprême dans l'affaire Miranda c. Arizona (1966).

Cette présence cinématographique importante est peut-être la raison pour laquelle un petit plaisantin ou un algorithme débridé ont concocté, dans l'encyclopédie cinématographique en ligne IMDB, une notice biographique consacrée à un certain Earl Warren, acteur. La notice mentionne, dans la rubrique "divers", que l'intéressé était aussi "Chief Justice"(président) de la Suprême)...

Monday, March 16, 2015

Il n'est jamais trop tard pour bien faire

Dans un arrêt rendu ce jour, la Cour suprême de Californie (la juridiction suprême de l'Etat de Californie, à ne pas confondre avec la Cour suprême des Etats-Unis) vient d'offrir une réhabilitation symbolique et posthume à une victime de la discrimination raciale et, plus précisément, des lois dirigées contre l'immigration asiatique.

Comme l'expose le Los Angeles Times, elle vient en effet, à l'unanimité, de faire droit à la demande d'inscription au barreau de Californie d'un avocat d'origine chinoise, Hong Yen Chang, qui s'était vu refuser son inscription au barreau... en 1890! Hong Yen Chang, ressortissant chinois, entra aux Etats-Unis en 1872 en qualité d'étudiant, et obtint dans les années qui suivirents des diplômes de l'université de Yale et de la faculté de droit de Columbia. Il sollicita son inscription au barreau de New-York, mais celle-ci lui fut refusée dans la mesure où il n'avait pas la nationalité américaine (ce qui, à l'époque, était une condition d'inscription). Il sollicita alors sa naturalisation, qui lui fut accordée en 1888 par un juge de New-York, et qui lui permit de s'inscrire au barreau de New-York cette même année.

Mais en 1890, Hong Yen Chang, qui désirait s'établir en Californie, vit sa demande d'inscription au barreau de cet Etat rejetée. Les juridictions californiennes estimèrent que le certificat de nationalité de Hong Yen Chang, obtenu devant un juge de New-York, était nul et non avenu, dans la mesure où il était contraire à la (tristement célèbre) loi d'exclusion des chinois de 1882. Elles en conclurent que Hong Yen Chang, de "race mongole" (sic) ne pouvait se prévaloir de la qualité de citoyen américain et, par suite, obtenir son inscription au barreau.

La demande d'inscription posthume de Hong Yen Chang est le résultat d'une initiative d'une associations d'étudiants (l'APALSA) de l'Université de Californie (Davis) et d'un professeur de cette université, Jack Chin. Comme le rappelle le blog ImmigrationProf, elle fait suite à des initiatives similaires dans les Etats de Washington et de Pennsylvanie, qui ont permis d'obtenir des inscriptions posthumes de victimes des lois raciales.

L'affaire n'est pas sans rappeler, dans un autre ordre d'idée, la procédure de révision (coram nobis) qui permit la réhabilitation, en 1983, de Fred Korematsu, ressortissant américain d'origine japonaise injustement interné durant la deuxième guerre mondiale, et qui avait contesté à l'origine sans succès son internement devant la Cour suprême des Etats-Unis (Korematsu v. United States, 1944). Une équipe d'historiens et d'avocats (notamment l'historien Peter Irons et l'avocat Dale Minali) obtint la révision d'une des condamnations pénales qui avait été prononcée dans le cadre de cette affaire (étant précisé, toutefois, que Fred Korematsu était bien vivant en 1983, à la différence Hong Yen Chang).

Thursday, March 12, 2015

Obamacare, le retour : l'affaire King v. Burwell

Le 4 mars dernier, tous les regards étaient tournés vers la Cour Suprême des Etats-Unis, qui tenait son audience dans l'affaire consacrée à la réforme de l'assurance-santé (familièrement surnommée l'Obamacare). La presse française en a déjà rendu compte, et notamment Le Monde, dans un article de Gille Paris. L'intérêt juridique de l'affaire est inversement proportionnel à l'enjeu de la question posée.

L'enjeu pratique est de savoir si, dans 34 Etats des Etats-Unis, les américains de revenus modestes pourront continuer à bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu (qui est l'équivalent d'une subvention) pour souscrire une assurance santé. Environ 7 millions de personnes seraient concernées.

La controverse juridique à l'origine de cette interrogation tient à la rédaction de quatre mots de l'obscure section 36B nichée quelque part dans les 900 pages (!) de la loi. La loi, qui a rendu la souscription d'une assurance santé obligatoire, a institué des marchés d'assurances  (en pratique, des sites internets où les assureurs proposent leurs contrats) où les consommateurs peuvent être mis en rapport avec un assureur et choisir leur contrat s'ils ne sont pas déjà assurés. Elle a également institué le principe d'un crédit d'impôt de l'Etat fédéral pour permettre aux  personnes à revenus modestes de supporter le coût de leur assurance santé.

Mais la loi prévoit que ce crédit d'impôt sera disponible sur les marchés d'assurance "établis par l'Etat" ("established by the State"). Or, aux Etats-Unis, l'appellation "the State" ne désigne pas l'Etat fédéral -l'Etat central, dirait-on en France-, mais un des Etats fédérés (comme la Californie ou la Virginie). Or, 16 Etats seulement ont mis en place leur propre marché d'assurance. Les autres Etats ont choisi, pour marquer leur opposition à la loi, de ne pas créer leur propre marché et de laisser l'Etat fédéral le faire à leur place.

Les auteurs du recours soutiennent, sur la base d'une interprétation purement littérale de la loi, que dans les 34 Etats où le marché de l'assurance est géré par l'Etat fédéral, le crédit d'impôt n'est pas disponible. Les défenseurs de la loi font tout simplement valoir qu'il n'a jamais été question, pendant les semaines de débats parlementaires, d'instaurer une telle limitation, qui irait au demeurant totalement à l'encontre de l'objet et du but de la loi et de son économie générale.

L'affaire s'inscrit dans le cadre d'une guérilla juridique contre la loi, menée par la frange la plus conservatrice des milieux d'affaire et des Républicains, qui voient dans cette loi le premier pas sur la  pente glissante vers le "socialisme".

Comme pour toutes les affaires importantes, l'arrêt est attendu à l'extrême fin de l'année judiciaire 2014-2015 (le "term", dans la terminologie de la cour), c'est à dire dans les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet.

Pour en savoir plus : le dossier complet de Scotusblog et un excellent article de Jeffrey Toobin dans le New Yorker

Wednesday, March 11, 2015

Selma

 Le film Selma, de Ava DuVernay sort aujourd'hui en France. Il consacré à un épisode important du combat pour les droits civiques (la marche de Selma à Montgomery, Alabama, en 1965), qui permit de faire pression sur le Congrès pour l'adoption du Voting Rights Act de 1965. Je ne saurais trop le recommander. Le film est à la fois très bien écrit et réalisé, et très intéressant d'un point de vue historique, même s'il comporte d'inévitables raccourcis.

Un des intérêts du scénario, axé sur le rôle de Martin Luther King, est de présenter également d'autres acteurs importants du mouvement sur les droits civiques, un peu moins connus en France. On peut notamment apercevoir dans le film les personnages de Diane Nash (une ligne dans la version française de Wikipédia!) ou John Lewis, à l'époque responsable d'une organisation qui joua un rôle essentiel d'aiguillon dans le mouvement des droits civiques, le SNCC (Student Non Violent Coordinating Committee) (NB : une bande dessinée qui lui est consacrée est sortie en français l'année dernière).

Parmi les raccourcis qu'on peut regretter, le traitement du président Lyndon B. Johnson, qui n'est pas présenté sous un jour très favorable. Or, il faut tout de même rappeler que, s'il a agi sous la pression du mouvement des droits civiques, et en trainant les pieds, il fut un des seuls présidents à pouvoir se targuer d'une action législative énergique en la matière (cf. par contraste, le maigre bilan de la présidence Kennedy sur le sujet). Cette action valut d'ailleurs à son parti, le Parti Démocrate d'être quasiment rayé de la carte électorale dans son ex-bastion des Etats du Sud, aujourd'hui acquis aux Républicains.

PS : Pour ceux qui s'intéressant à l'aspect juridique de la discrimination raciale en matière électorale et des efforts législatifs pour la faire disparaître, vous pouvez aller voir ici. (attention, c'est de l'autopromotion). Sinon, il y a un très bon dossier pédagogique sur le site Zero de conduite, avec une interview de l'historien Pape Ndiaye. qui fait une présentation complète du cadre historique du film.

Tuesday, March 10, 2015

Montesquieu a toujours sa table à la Cour suprême

Les bordelais peuvent être fiers (il parait que c'est leur spécialité) : une opinion de la Cour suprême vient une fois de plus de faire référence à Montesquieu. La Cour suprême a rendu hier sa décision dans une affaire Perez v. Mortgage Banker Association,. L'affaire elle-même, bien que fort intéressante pour ceux qui s'intéressent au droit administratif américain -il y en  a-, est un peu technique. La question était de savoir si, lorsque l'administration modifie par une nouvelle circulaire l'interprétation d'un texte qu'elle a donnée une circulaire précédente, elle doit procéder de la même manière que lorsqu'elle édicte une nouvelle circulaire, c'est à dire en sollicitant les commentaires du public sur le projet de circulaire (la procédure de "notice and comment", qui est une sorte d'enquête publique). A l'unanimité, la Cour répond à cette question par la négative et jette aux oubliettes la théorie en vigueur depuis plusieurs années devant la cour d'appel fédérale de Washington DC, qui estimait que la modification d'une circulaire interprétative doit être soumise aux commentaires préalables du public.

Dans une opinion concurrente (p. 5-6 de l'opinion provisoire), le juge Clarence Thomas se fend d'un petit développement sur la séparation des pouvoirs, qu'il assortit de références à John Locke et à Montesquieu (L'esprit des lois, Livre XI). A l'heure où les références au droit comparé se font un peu rares dans les opinions de la Cour -pour éviter les polémiques inutiles, sans doute-, on peut donc se féliciter que les philosophes des Lumières aient toujours les faveurs de la Cour. Dans le passé, des arrêts de la Cour ont déjà fait référence à Montesquieu, Voltaire et Rousseau (il faudra me croire sur parole, je n'ai pas eu le temps de retrouver les références). Au registre des auteurs français, on notera que Tocqueville a fait aussi quelques apparitions. Enfin, dans les affaires portant sur le droit international, le juge Scalia est friand de référence à Emeric de Vattel (1714-1767), qui était suisse mais qui écrivait en français -voir notamment Arizona v. United States (2012).

Monday, March 9, 2015

Découpage électoral : qui doit tenir les ciseaux?

A la Cour suprême des Etats-Unis, c'est parfois comme à la SNCF : une affaire peut en cacher une autre. La semaine dernière, une grande partie de l'attention était focalisée sur l'affaire King v. Burwell, qui aura des conséquences importantes sur l'application de la réforme de l'assurance santé initiée par le Président Obama (la Cour devra, en substance, dire si les subventions fédérales pour la souscription d'une assurance santé sont disponibles dans tous les Etats ou, en raison d'une malfaçon législative, dans une partie d'entre eux seulement). Et, comme tout ce qui touche à l'Obamacare, l'audience consacrée a cette affaire était très attendue, car le sujet est politiquement très sensible.

Mais, deux jours plutôt, une autre affaire importante (Arizona State legislature v. Arizona independent restricting commission) était venue à l'audience devant la Cour. Cette affaire concerne les modalités du découpage électoral pour les élections au Sénat et à la Chambre des représentants.

Les contestations relatives au découpage électoral ne sont pas l'apanage des Etats-Unis, et sont presque aussi vieilles que le régime représentatif. On se souvient, en France, de la controverse sur le redécoupage opéré en 1987 à l'initiative de Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, qui avait donné lieu à une mémorable affiche sur le thème "charcutage électoral, charcutage des libertés". Mais il y a aussi, dans la vie politique américaine, une solide tradition de découpage des circonscriptions sur mesure pour avantager tel ou tel camp. Il y a même un mot spécial pour désigner cette activité, "gerrymandering", dérivé du nom d'un gouverneur de l'Etat du Massachussets -un certain Gerry- qui, en 1812, opéra un découpage sur mesure dont une des circonscriptions avait la forme d'une salamandre.

Pour mettre un terme aux polémiques sur le découpage partisan des circonscriptions, les électeurs de certains Etats ont utilisé la procédure de référendum d'initiative populaire pour faire adopter le principe du découpage par une commission indépendante, plutôt que par les assemblées représentatives des Etats -qui peuvent être tentées d'avantager le camp majoritaire. C'est le cas en Arizona, depuis l'année 2000, mais aussi en Californie, depuis 2010.

Le problème, c'est qu'une disposition de la Constitution américaine, la subdivision 1 de la section 4 de de l'article 1re prévoit que "Le temps, le lieu et les modalités des élections des Sénateurs et des Représentants seront fixés dans chaque Etat par la législature dudit Etat ; mais le Congrès pourra à tout moment édicter des règles ou les modifier, sauf en ce qui concerne le lieu de l'élection des Sénateurs" (The Times, Places and Manner of holding Elections for Senators and Representatives, shall be prescribed in each State by the Legislature thereof; but Congress may at any time make or alter such Regulations, except as to the Place of chusing Senators).

La législature de l'Etat de l'Arizona estime que cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation littérale, et que les pouvoirs qu'elle prévoit ne peuvent être exercés que par les assemblées des Etats, et non par des procédés de démocratie directe (dans les Etats où ils existent, comme en Arizona ou en Californie). Si la Cour lui donnait raison, cela pourrait remettre en cause le découpage opéré, et redonner la main au corps législatif de ces Etats pour découper les circonscriptions. Or, certains d'entre eux ont un poids électoral considérable, comme la Californie.

Pour en savoir plus : un article de Bob Egelko dans le San Francisco Chronicle 

Saturday, March 7, 2015

Ceci n'est pas un blog de cinéma

Ami(e)s lecteurs, vous qui passez par là : ceci n'est pas un blog de cinéma. Bien que le titre en soit un hommage au grand Alfred et à un de ses meilleurs films (Rear window,  "Fenêtre sur cour" dans la traduction française), ce blog est consacré au droit et au système judiciaire des Etats-Unis -et en particulier à la Cour suprême. Il a pour but de donner, à destination d'un public français ou francophone, un éclairage ponctuel sur le système juridique américain, à travers l'actualité et l'histoire. En effet, s'il existe une infinité de sources en anglais sur le sujet, tant sur le papier que sur la toile, les sources en français sont plus réduites (mais pas inexistantes, on en reparlera). Nous espérons, à travers ce blog, faire un peu mieux connaître le droit et les juridictions d'outre-atlantique. Et pourquoi pas, au passage, régler leur compte à quelques idées reçues, susciter des vocations (objection, votre honneur!), ou éveiller les curiosités. Mais comme les introductions les plus courtes sont les meilleures, c'est le moment de se dire à bientôt, rendez-vous au prochain épisode!